Soeur de Charité - E. Frémiet

Emmanuel Frémiet, un sculpteur aux multiples facettes

Si Emmanuel Frémiet n'est plus connu aujourd'hui que de quelques amateurs éclairés, il a été, en son temps, un sculpteur extrêmement réputé.

Sculpteur animalier, il s’est également fait un nom dans la sculpture monumentale. Le Second Empire aussi bien que la IIIème République lui adressent de nombreuses commandes dont la célèbre statue équestre de Jeanne d'Arc de la Place des Pyramides à Paris, ou encore la statue de Ferdinand de Lesseps, inaugurée à Port-Saïd le 17 novembre 1899. Cette dernière, déboulonnée au moment de la Crise de Suez, le 24 décembre 1956, est restaurée par l'Association des Amis du Canal de Suez avant d’être placée sur l'un des quais du chantier naval de Port Fouad, au débouché du Canal dans la Méditerranée, en 1987.
Maître imagier, pour reprendre l’expression de son biographe Jacques de Biez, Emmanuel Frémiet sculpte avec autant de bonheur des thèmes militaires que les thèmes animaliers qui lui valent son immense renommée.

Napoléon III commande au sculpteur une suite de cinquante-cinq statuettes reproduisant les différents uniformes de l'armée entre 1855 et 1864. Cette série comportait également une religieuse, Sœur de Charité. L’Empereur les offrit à son fils, le prince impérial Louis-Napoléon, qui aimait beaucoup jouer avec, souvent sans grande délicatesse, tant est si bien que l’Empereur les lui confisqua. Toutefois, leur sort était scellé… Le 23 mai 1871 un gigantesque incendie dévaste les Tuileries, déclenché par une trentaine de fédérés fanatiques, menés par un garçon boucher répondant au nom de Benot. Trois jours et trois nuits durant, le feu brûle, ravageant le palais royal. Les statues n’y résistent pas… Toutefois, par chance, Emmanuel Frémiet n’avait pas détruit tous les moules. C’est ainsi que 16 ont pu être rééditées dont un Sapeur, un Zouave de la Garde, un Artilleur au manteau, un Brigadier de l’escadron des Cent-Gardes, un Cuirassier de ligne, un Voltigeur de la Garde, un Grenadier de la Garde, un Gendarme à cheval, un Matelot des équipages de la Flotte, une Cantinière et même une Religieuse.

Sœur de Charité

Emmanuel Frémiet a choisi de représenter une religieuse des Sœurs de Charité, connues également sous le nom de Sœurs de Saint Vincent de Paul. En effet ce dernier avait fondé, le 29 novembre 1633 une congrégation religieuse féminine dont le charisme était de se dévouer au service des malades et des plus démunis. La Révolution avait mis à mal la congrégation qui est interdite pendant une dizaine d’années.
La vocation des Sœurs de Charité était de se rendre aux domiciles des malades afin de les y soigner. On les voyait arpenter les rues, marchant d’un pas rapide, leur chapelet bruissant dans les replis de leur longue robe sombre, coiffée de leur cornette blanche.

Le sculpteur parisien, neveu de Sophie Frémiet et François Rude, Chrétien fervent, a sans aucun doute, voulu rendre un discret hommage à toutes ces sœurs qui œuvrent dans le silence de leur foi.
Sœur Rosalie Rendu, Fille de la Charité, s’était éteinte le 7 février 1856. Son cercueil avait été suivi par une immense foule de parisiens très émus.

Pourquoi un tel bouleversement autour de cette religieuse ? Jeanne Marie Rendu était née le 9 septembre 1786 à Confort, dans le Pays de Gex (Ain). Entrée au noviciat des Filles de la Charité de Saint-Vincent de Paul à Paris en 1802, elle était envoyée dans le misérable quartier Mouffetard. Avec discrétion, compassion, énergie et foi, quelques 53 années durant, elle y sera infirmière, mais aussi juge de paix démêlant des situations familiales ou riveraines parfois inextricables, tout autant que catéchiste auprès des enfants les plus démunis. Devenue supérieure de sa Maison, elle n'en continuait pas moins de parcourir les rues de son quartier Saint Médard pour soulager les souffrances. Son œuvre discrète et efficace fut distinquée par le pouvoir impérial qui lui remit la Légion d’Honneur.
Sa tombe, au cimetière du Montparnasse, est encore aujourd’hui, fleurie tandis que son épitaphe "à la bonne Mère Rosalie, ses amis reconnaissants, les pauvres et les riches" résonne de l'impact qu'elle eut sur la population parisienne. Le 9 novembre 2003, le pape Jean Paul II la béatifiait ...

Emmanuel Frémiet ne pouvait ignorer Soeur Rosalie. Modestement, comme il savait qu'elle l'apprécierait, il baptisa sa statue Soeur de Charité. La reconnaîtra qui le pourra, et c'est très bien ainsi.