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Sculpteur
Charles Anfrie 1833-1905
Époque
Circa 1890
Provenance
France
École
École française de sculpture
Dimensions
Hauteur : env. 24 cm
Ø du socle : env. 9 cm
Poids : 1,151 kg
Signature
Sur la terrasse, sur le motif : C. Anfrie
Matériau
Épreuve en bronze à patine brune sur un socle rond.
Bronze composé de plusieurs pièces. Complet, aucun manque.
Usure de patine, notamment sur le socle de la terrasse.
GTGBFUSILIERANFRIE
Fils d’un sculpteur de pierre originaire de Saint-Martin de Tallevende, dans la Calvados, Charles Désiré Pierre ANFRIE, s'il fut un sculpteur prolifique, nous apparaît aujourd'hui comme un personnage très discret dont nous ne savons pas grand chose.
Il naquit à Paris, dans le 8ème arrondissement, le 1er avril 1833 de parents normands. Sa mère, Victoire Louis LEPELLETIER, était née dans la Manche, et son père, Pierre Augustin, taillait la pierre à Saint-Martin de Tallevente, dans le Calvados. Sans doute formé par son père, car il entra à l'École des Beaux et fut admis très jeune dans l'atelier du statuaire Eugène-Antoine AIZELIN (1821-1902). Il n'avait que 19 ans lorsqu'il exposa sa première oeuvre au Salon des Artistes français. Il n'y était pas très assidu, et ses envois cessèrent même en 1897. Le 26 juillet 1866, il se mariait à Marie Reine PINÇON, une couturière parisienne dont il eut deux filles.
Charles Anfrie
Il ne produisait aucune sculpture qui ne mesure moins de 25 cm et plus de 50. Ses sujets de prédilection étaient les soldats qui avaient vaillamment combattus, aussi bien en 1870 que dans d’autres circonstances, dans un esprit très patriotique tel La Défense du Drapeau (circa 1875), La Dernière Cartouche, C’est fini !, l’Estafette, Brigade de Dragons, Officier Chargeant au sabre, sur la Brèche, le Zouave…
Charles ANFRIE ne s’était pas cantonné à un seul style, bien qu’il y excellât. Il traita beaucoup d’autres thèmes, sur un mode enjoué et sans prétention comme L’Acrobate, la Joueuse de vièle, la Joueuse d’orgue de barbarie, Le Pécheur, La Fauconnière, La Cueilleuse de cerises, La première culotte, Le Premier Prix, une Élégante avec son chien, une Élégante au chapeau, une Femme ailée, une Ramasseuse de coquillages, une Tricoteuse, la Première cigarette voire même un Cupidon. Et ce petit bijou humoristique qu’est L’Accident qui révèle la désopilante moue consternée d’un garçonnet découvrant l’énorme accroc fait à sa culotte…
Charles Anfrie, sculpteur éclectique s’il en était, avait également réaliser quelques figures littéraires ou historiques, tels Esmeralda, Jeanne d’Arc ou Christophe Colomb, et dans un registre plus intimiste et religieux, L’Angélus.
Son style très académique est néanmoins emprunt, dans certaines de ses œuvres, comme L’Angélus, d’un naturalisme sensible, d’un humour bon enfant, comme dans L’Accident, d’une fort patriotisme, dans toutes ses statuettes militaires, ou d’une émotion poignant, car dans C’est fini !.. Bien que n'ayant que peu exposé aux Salons, il développa une renommée certaine. Il s’éteignit à Paris en 1905.
Le fusilier marin du Bayard
Un hommage détourné au Bayard et son si fameux héros, l’Amiral Amédée Anatole Prosper Courbet
Une fois encore, Charles Anfrie raconte à sa façon un petit peu épisode de l’histoire de la France de la Troisième République. Il aurait pu, classiquement réalisé un buste du héros, mais choisi une voie détournée et bien plus intéressante pour rendre hommage à la mémoire de l’Amiral Courbet.
Cette statuette raconte des évènements qu’aujourd’hui, nous avons, pour beaucoup, oublié. Rafraichissons quelque peu nos mémoires.
En ces années 1882-85, la question coloniale agitait la classe politique. Jules FERRY qui était à la Présidence du Conseil (équivalent du Premier Ministre) depuis le 21 février 1883, accédait neuf mois plus tard au portefeuille des Affaires étrangères. Son leitmotiv : « la France ne peut être seulement un pays libre ; […] elle doit être aussi un grand pays, exerçant sur les destinées de l’Europe toute l’influence qui lui appartient […] et porter partout où elle le peut sa langue, ses mœurs, son drapeau, ses armes, son génie ».
Dès le mois de mai 1883, le Bayard, tout nouveau cuirassier de croisière à coque blanche (il avait été lancé en mars 1880), avait été envoyé, en mission au Tonkin. Le 10 juillet, il arrivait en Baie d’Along, au large du Tonkin. Commandé par le vice-amiral, Amédée Anatole Prosper COURBET, il prenait la tête de la Division Navale du Tonkin et s’emparait, dans la foulée, de la citadelle de Hué, contraignant l’empereur d’Annam HIÊP HOA à signer le traité de paix de Hué (août 1883) qui imposait sur cette région le protectorat de la France.
Craignant pour ses propres intérêts, la Chine envoyait aussitôt en Annam ses troupes régulières, les Pavillons Noirs. Les combats opposant troupes françaises et Pavillons Noirs sont d’une rare violence et d’une cruauté extrême.
Le jour se levait à peine, en ce 14 décembre 1883, sur le fleuve, mais l’Amiral Courbet et ses troupes étaient enfin prêts à lancer l’assaut sur Sontay. Située à deux kilomètres du Fleuve Rouge, sur la rive droite, la ville tonkinoise était protégée par une citadelle bastionnée abritant 20 000 Chinois et Pavillons Noirs. Atteindre la ville ne s’était pas fait sans peine pour l’Infanterie de Marine et la Légion étrangère. Couvertes de rizières, de canaux, de petits cours d’eau, de digues. Les troupes avaient pataugé, de l’eau jusqu’à la taille pendant plusieurs jours. Pourtant lorsque l’assaut fut donné, malgré l’âpreté des combats, tous étaient prêts à combattre. Du haut d’un promontoire qui l’exposait à tous les vents, et surtout au feu chinois, l’amiral menait ses troupes d’un sang-froid absolu et imperturbable sous la mitraille. Lorsque la citadelle tomba, laissant hors de combat 378 soldats et 26 officiers (contre 3 000 Chinois tués, blessés ou prisonniers), l’amiral COURBET avait gagné le respect de ses troupes mais aussi celui des troupes terrestres, peu habituées à être commandées par un marin.
Les actions du vice-Amiral COURBET n’étaient qu’une succession de victoires toutes plus audacieuses les unes que les autres et lui valaient, le 10 septembre 1884, la médaille militaire, et la promotion au grade d’amiral.
L’amiral COURBET revenait, sur ordre, à Formose (aujourd’hui Taïwan). Il s’emparait du port de Keelung et des îles Pescadores. Chapelet d’îles au sud-est de Formose, elles avaient une importance stratégique puisqu’elles commandaient le détroit qui s’éparait l’île du continent.
Cependant, pendant ce temps, les troupes françaises, en difficulté au Tonkin, se repliaient sur le delta du fleuve Rouge. Aussitôt à Paris, Georges CLEMENCEAU mettait le ministère FERRY en minorité et le renversait.
Cependant, les éclatantes victoires navales de l’amiral COURBET avaient tant amoindri la Chine au Tonkin qu’elle abandonnait sa suzeraineté à la fois sur l’Annam et le Tonkin. La France allait pouvoir s’y installer.
Toujours dans les Pescadores, en rade de Makung, l’amiral COURBET, atteint de choléra, déclinait. Le 11 juin, un dernier malaise l’entrainait dans le coma, et quelques heures plus tard, à 21h30, il rendait son dernier souffle.
Deux escales aux Seychelles et à Port-Saïd plus tard, le cuirassier amiral à coque blanche mouillait au large des îles d’Hyères. Transporté en train jusqu’à Paris, le cercueil de l’amiral COURBET est enfin, le 27 août 1885, déposé dans la cour des Invalides, où, le lendemain, les honneurs de la Nation lui étaient rendus avec pompes.
Son génie militaire, son audace race, sa proximité envers ses hommes firent de lui un véritable héros national, jusqu’à ce qu’une autre guerre en chasse le souvenir. Il n’en reste pas moins l’un des plus grands amiraux de l’histoire de la Marine française, et l’un des derniers amiraux français à avoir remporté une grande bataille navale.
Dans une volonté de rompre la verticalité un peu monotone des figures de soldats, Charles Anfrie a pris le parti d’une position assez peu banale pour son fusilier : une jambe en avant, ce qui permet de reculer le bassin du personnage et d’avancer le buste en avant et de lui faire adopter la position du guetteur. La main devant les yeux, pour voir plus loin ? pour s’abriter d’une trop grande luminosité ? Le fusilier observe, le sabre au côté, le fusil dans le dos et la hache en main.
Le socle (avec ses motifs végétaux et ses trois torpilles jaillissantes) semblerait assez incongru pour un marin. Toutefois, sans doute Charles Anfrie a-t-il voulu signifier que le Fusilier guetteur était débarqué pour l’une des batailles terrestres que l’amiral COURBET a menée, à l’image de celle de Sontay…
© Copyright textes et photos : Les Trésors de Gamaliel