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Sculpteur
Giuseppe Grandi 1843-1894
Provenance
France
Époque
1874-1875 pour le chef modèle
École
Mouvement de la Scapigliatura
Dimensions
Hauteur : 32 cm
Profondeur : 12 cm
Largeur : 18 cm
Socle : 12 X 13 cm
Poids : 5200 gr.
Signature
Sur la base de la terrasse : GRANDI
Titré sur le bord de la terrasse: NEY
Matériau
Bronze à patine brune reposant sur un socle presque carré aux angles coupés.
Le bronze est complet.
GTGBGRANDINEY
Giuseppe Grandi est né à Ganne, non loin de Varèse, dans un petit village du Nord de l’Italie, le 17 octobre 1843. Son père Francesco Grandi est menuisier, tandis que sa mère, Marianna Cerutti, s’occupe des six garçons du couple. Giuseppe est le troisième de la fratrie.
À treize ans, il entre en apprentissage chez un artisan marbrier de Bisuschio où il reste quelques années avant de s’inscrire à l’Académie de Brera.
Après un bref séjour à Turin, il revient à Milan pour poursuivre ses études artistiques à l’Académie Albertina, auprès du sculpteur suisse-italien Vincenzo Vela (1820-1891). Il rejoint les Scapigliati, groupe de jeunes artistes milanais qui prônent un anti-académisme dans l’art, et une recherche sur la réflexion de la lumière. Giuseppe Grandi dans cette mouvance, élabore des modelages vivant et vibrant, exempt de tout romantisme, et dont les surfaces avec leurs creux et leurs aspérités, accrochent et reflètent la lumière.
En 1866, Giuseppe Grandi obtient son premier succès, confirmé par de nombreuses récompenses qui s’enchainent. En 1871, il réalise pour le tribunal de Milan une statue monumentale du grand juriste milanais des Lumières Cesare Beccaria (1738-1749) qui assoit sa réputation. En 1881, il remporte le concours ouvert par la ville de Milan pour orner la piazza di Porta Vittoria d’un monument qui célèbrerait les Cinque Giornate *. Il y travaille quatorze années durant, mais meurt le 30 novembre 1894, le laissant pas tout à fait achevé…
Giuseppe Grandi
*Les Cinque Giornati, les Cinq Jours (18 au 22 mars 1848) font référence au mouvement insurrectionnel qui souleva la ville de Milan, au Printemps 1848 pour libérer Milan de l’occupation autrichienne et s’est soldé par la victoire des Milanais. Cet épisode constitue un épisode majeur de l’unification italienne.
À partir des années 1860 prend forme, dans le nord de l’Italie, en particulier à Milan, un mouvement artistique, la Scapigliatura, en réaction au romantisme, mais aussi et surtout en rebellion contre la politique italienne du Risorgimento (mouvement spirituel et idéologique qui naît en Italie à la fin du 18ème siècle et qui mène l’Italie à une conscience politique et une volonté de crée une unité politique et un état et qui aboutit, le 17 mars 1861 à la proclamation du Royaume d’Italie), et contre le conformisme et l’hypocrisie d’une société jugée « bourgeoise ».
Les Scapigliati (que l’on traduit, les «échevelés ») tiennent leur nom de leur aspect débraillé et rebelle, de leur volonté de vivre en marge de la société de manière parfois tellement non conventionnelle qu’ils sont dans une grande misère qui les fait mourir très prématurément. Ils abhorent à la bourgeoisie un cuisant mépris. Ils expriment un virulent scepticisme pour le progrès technologique, critiquent le développement capitaliste industriel. Les Scapigliati, qui trouvent leur équivlent en France chez les artistes bohèmes.
Le romancier Cletto Arrighi (pseudonyme de Carlo Righetti, 1830-1906) décrit dans son roman « La Scapigliatura », ce mouvement artistique si particulier. La Scapigliatura, écrit donc Cletto Arighi, rassemble des individus des deux sexes âgés de vingt à trente-cinq ans ; quasiment toujours d’une grande ingéniosité, en avance sur leur époque, indépendants comme l’aigle des Alpes, prêts pour le bien comme pour le mal, agités, troublés, turbulents.
Ce mouvement fait de nombreux émules dans le domaine littéraire Emilio Praga (1839-1875), Arrigo Boito (1842-1918), Carlo Dossi (1849-1910, Iginio Ugo Tarchetti (1839-1869) ou Vittorio Imbriani (1840-1886), mais touche également la sculpture, avec Giuseppe Grandi, mais aussi la peinture avec Mosè Bianchi (1840-1904) et Tranquillo Cremona (1837-1878). Le compositeur Giuseppe Verdi (1858-1924) en subit également les influences, notamment dans son opéra La Bohème, dont le livret est rédigé par l’écrivain français Henry Murger (1822-1861), chantre de la version française des Scapigliati.
Réalisée en 1874, il Maresciallo Ney de Giuseppe Grandi est la parfaite illustration des théories des Scapigliati. Les surfaces sont rugueuses, creusées de reliefs qui doivent accrocher la lumière. La statue de par la posture du sujet, le débraillé de la tenue du maréchal, se dégage de tout romantisme et de tout académisme.
Debout, dans sa tenue de maréchal, le Maréchal Ney, sabre au côté, adopte une posture peu conventionnelle. La tête inclinée, le visage masqué en grande partie par le bicorne, il semble en pleine réflexions, concentré sur ses propres pensées.
On peut admirer un Maréchal Ney à la Galleria d’Arte Moderna de Milan. En plâtre, mais ce modèle a été l’objet, en 1987, d’une tentative de vol, au cours de laquelle le sabre a été endommagé. En marbre, mais aussi en bronze.
Mais pourquoi un sculpteur italien choisit-il de sculpter la figure d’un personnage dont la mort, dans un autre pays est entachée de trahison ?
Quel est le lien entre un fils de tonnelier mosellan né le 10 janvier 1769, et un sculpteur Lombard, né pas loin de trente ans après la mort de celui-ci ?
Engagé volontaire dans l’armée, en 1788, le jeune Michel Ney gagne son surnom de Brave des Braves, que lui décerna l’empereur, au gré des batailles. Courageux voire intrépide, volontaire, il est toujours de bonne humeur et attentif aux autres. Général en 1796, maréchal d’Empire en 1804, Grand Aigle de la Légion d’Honneur en 1805, fait duc d’Elchingen la même année et Prince de la Moscowa en 1812, Michel Ney s’illustre à Ulm, Iéna, Eylau, Friedland, Borodine, la Moskowa et même à Waterloo. Bien que sachant pertinent que la bataille est perdue, alors même que cinq chevaux ont été tué sous lui, le maréchal Ney se jette une nouvelle fois dans la mêlée, tête nue et sabre au clair, hurlant à qui veut, à qui peut l’entendre « Venez voir comment meurt un maréchal de France ! ».
Maréchal Ney, peint par Charles Meynier, 1806,
Musée National du Château de Versailles
Mais la mort n’est pour ce sanglant jour de juin. Elle est pour quelques mois plus tard, par un froid matin de décembre, devant le mur de l’Observatoire, face à un peloton d’exécution. Debout, ayant refusé qu’on lui couvre les yeux, le maréchal Ney commande au peloton : « soldats, droit au cœur ! ».
Comment ce héros en est-il arrivé là ?
Héros, certes, mais … sans doute quelque peu versatile ? Promettre fidélité à Louis XVIII quand l’Empereur est à Sainte-Hélène, puis lâcher le roi pour se remettre au service de Napoléon le temps des Cents-Jours, voilà qui n’a pas plu à Louis XVIII revenu au pouvoir après le second exil de l’Empereur …
Aujourd’hui, même si la demande de révision de son procès n’a jamais pu aboutir, le héros est réhabilité dans le cœur du peuple. Il reste ce glorieux hussard aux faits d’armes héroïque et à la bravoure insensée. Le 7 décembre 1853, trente-huit après l’exécution, jour pour jour, une statue du maréchal, réalisée par François Rude, est inaugurée à l’angle du boulevard Saint-Michel et du boulevard du Port-Royal, au pied du mur de l’Observatoire, à l’endroit même où il tomba (elle est aujourd’hui place Camille Jullian, à quelques mètres de son endroit originel, déplacée en raison d’aménagements urbains).
Mais pour Giuseppe Grandi, ce héros d’un temps qu’il n’a pas connu, est exactement celui qu’il lui faut. Héros adulé et pourtant capable de trahison, le maréchal Ney est tout le contraire d’un héros romantique. Le sujet idéal.
© Copyright textes et photos : Les Trésors de Gamaliel