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Sculpteur
Paul Thubert 1847-1933
Époque
1882 pour le chef modèle
Provenance
France
Dimensions
Hauteur : 73 cm
Largeur : environ 40 cm
Profondeur : env. 42cm
Ø : 39 cm
Poids : 32,9 kg
Signature
Sur l’avant de la terrasse : Paul Thubert
Matériau
Bronze à patine brune.
GTGBTHUBERT
Paul Thubert naquit à Rennes un 29 mars 1847. Son père, Aristide, y tenait boutique rue de Château-Renault. Il avait épousé une demoiselle Elisabeth Perrin, née en Russie où son propre père, ancien élève des Gobelins, installait des fabriques de draps pour le compte du gouvernement impérial russe.
Dans les années 1858-60, tandis que Paul avait une dizaine d’années, la famille s’installa à Fougères, Aristide Thubert y ouvrant une filature. Aîné d’une fratrie de 6, il baigna dans une atmosphère familiale très artistique. Entré à la filature, il se forma aux côtés de son père dont il était le commis. S’il échappa à la conscription (il faut se souvenir que la durée du service militaire était alors de 7 ans, 5 à partir de février 1868) en se faisant remplacer par un certain Eugène Legier, Paul Thubert incorpora néanmoins la Garde Nationale, dont il fut libéré en 1873.
À 24 ans, il épousait Marie Moreau de Saint Ludgère dont il eut deux enfants, Louis qui deviendra médecin, et plus quelques années plus tard Yvonne. Les années 1869-1871 furent bien douloureuses pour Paul et son épouse : lui perdait sa mère et son frère cadet, elle sa mère, son père et sa grand-mère.
Désormais veuf, monsieur Thubert père céda sa filature à son fils aîné et s’installait à Paris. Paul transféra l’atelier paternel à Vitré, pays du chanvre, où plusieurs filatures travaillaient pour les grands magasins parisiens : Au Bon Marché, qui avait ouvert en 1852, les Grands Magasins du Louvre, qui offrait ses nombreux étals rue de Rivoli, depuis 1855. 1856 avait vu l’ouverture du Bazar de L’Hôtel de Ville tandis que 1865 et 1869, le Printemps Haussmann et la Samaritaine, au Pont Neuf proposaient à une clientèle de plus en plus nombreuses toutes sortes de produits sur plusieurs étages dans une atmosphère très de luxueuse.
Quelques années plus tard, c’est à Rennes que la famille Thubert se fixait. Paul Thubert installa ses ateliers de production au monastère de Saint-Cyr, tenu par la Congrégation de Notre-Dame de la Charité du Refuge.
Vue générale du monastère de Saint Cyr, à Rennes, où se trouvaient les ateliers de filature de Paul Thubert
Il s’agissait d’une congrégation fondée au moment de la Contre-Réforme à Caen, et qui avait repris le monastère de Saint Cyr, en ruine, en 1808. Son œuvre était de recueillir les jeunes filles de plus de 15 ans, prostituées ou sortant de prison, ainsi que celles qui avaient été violée, car alors, on pensait qu’elles ne pouvaient que mal tourner. Toutes issues de milieu défavorisé, le but du Refuge était de les réinsérer par le travail, travail qui offrait un cadre évitant l’inoccupation, structurait la journée, et permettait une surveillance des éléments les plus rebelles. Les Sœurs n’ayant pas beaucoup de moyens financiers, elles sont aidées par le Préfet qui considère leur œuvre comme d’utilité publique. Au moment où Paul Thubert lançait sa production de tricot au Refuge de Saint Cyr, celui-ci accueillait quelques 600 pensionnaires, surnommées « les ouvrières de Saint Cyr » (toutes ne travaillaient pas dans la filature : il y avait une immense blanchisserie et des ateliers de couture). Fort de cette main d’œuvre, Paul Thubert spécialisa son atelier dans le sous-vêtement de laine sans couture, fournissant les grands magasins parisiens.
Atelier de filature au Refuge Saint Cyr
Lorsqu’il atteignit l’âge de 65 ans, en 1912, il remit ses filatures entre les mains de son gendre, Alfred Canneva, un militaire de carrière. Il continua à sculpter et produisit, de 1874 à sa mort quelques 72 sculptures identifiées… Il s’éteignit à Rennes, quelques années après sa femme, à l’âge de 85 ans, un 22 février 1933.
Très émouvant groupe de bronze, que ce conciliabule de deux éclopés de la Guerre de Crimée. Surprenant par son importante : 73 cm de hauteur et par conséquent son poids (presque 40 kg), il offre un regard inédit sur ce conflit oublié qui opposa, du 27 février 1854 au 30 mars 1856, la France et ses alliés (le Royaume-Uni, l’Autriche, le Piémont-Sardaigne et l’Empire Ottoman) au Tsar Nicolas 1er.
Depuis le début du 19ème siècle, le grand Empire Ottoman ne cesse de s’affaiblir à tel point que le tsar de toutes les Russies envisage d’année Constantinople et les Détroits (Bosphore et Dardanelles) ce qui lui permettrait de contrôler l’accès à la Méditerranée. Comme ces évènements résonnent étrangement en ces jours de mars 2022…
Et de fait, en 1853, au motif que le sultan ottoman aurait donné la préférence aux moines latins plutôt qu’aux moines orthodoxes pour la protection des Lieux Saints, Nicolas 1er adresse un ultimatum à la Sublime Porte. Le ton monte de tous côtés. Français et Anglais envoient une flotte à Varna, en Bulgarie, mais le choléra, les choses traînent, c’est finalement en Crimée que se concentrent toutes les troupes. La coalition franco-britanico-turco-piémontaise rencontre les troupes russes le 20 septembre 1854 à 11 heures non loin de Sébastopol, près de l’embouchure du petit fleuve Alma. À 17 heures 30, les Russes battent en retraite vers Sébastopol laissant derrière eux 180 tués et 3 900 blessés. La France a payé son tribut avec 140 tués et 1 200 blessés.
Sébastopol est alors assiégée. Le siège s’enlise. En mars 1855, Alexandre II remplace son père et entame des négociations qui s’étirent jusqu’au matin du 8 septembre 1855, le général Mac Mahon dirige une opération sur le fort de Malakoff qui tombe aux mains des Français. Le 10 septembre, Sébastopol se rend. La Russie a été vaincue, commencent les négociations de paix…qui sont signées, au Ministère des Affaires étrangères tout fraîchement installé au Quai d’Orsay, à Paris le 30 mars 1856.
Est-ce à Alma que nos deux Vieux de la Vieille ont été blessés et amputés ? Devant le fort de Malakoff ? Toujours est-il qu’elles sont désormais lointaines les heures glorieuses de la victoire. Les stigmates du temps marquent les traits de nos deux vieux briscards. Ils arborent chacun avec fierté leur médaille, l’un la Légion d’Honneur, avec la rosette sur le ruban, signalant un officier, et l’autre la Médaille Militaire qui avait été instituée par Napoléon III par décret du 22 janvier 1852. Si la Légion d’Honneur, créée par Napoléon 1er, était ouverte à tous les grades, au fil du temps, elle est devenue le privilège des officiers. Pour y pallier, Napoléon III crée la Médaille Militaire offrant ainsi à la troupe le même privilège que ses officiers : être récompenser pour ses actions, ses services, ses blessures… « Soldats (…) prononçait Napoléon III lors de la première remise de la Médaille Militaire, c’est le ruban que vous porterez sur la poitrine et qui dira à vos camarades, à vos familles, à vos concitoyens, que celui qui le porte est un brave. (…) ». La médaille offrait aux soldats une rente viagère de cent francs.
Les traits détendus, l’œil vif et jovial, nos deux Vieux de la Vieille semblent échanger de cocasses souvenirs de guerre avec un enthousiasme porteur d’une joie de vivre qui s’inscrit dans chacune des rides de leurs visages burinés. Tous deux sont vêtus de l’uniforme des Invalides, réservée aux hôtes de l’Hôtel des Invalides : la longue capote bleu foncé fermée par une double rangée de boutons dorés s’ouvrant sur une chemise de coton blanc, un pantalon en drap de laine et la casquette à visière vernie. Les plus valides des Invalides faisaient office de gardiens au musée d’Artillerie, ouvert en l’Hôtel des Invalides dès 1872, puis au Musée Historique de l’Armée, qui ouvrit en 1896…
Deux Vieux de la Vieille - détail des traits expressifs, pleins de bonhommie des deux vétérans.
Imposants et majestueux, dignes et complices, ces deux vétérans nous offrent un regard différent sur la guerre. Dans une première version, Paul Thubert avait représenté le pilon en bois sur toute la longueur du mollet, le pantalon ne protégeant la jambe que jusqu’au genou. Cependant, sans doute en écoutant les conseils de quelqu’un lui suggérant moins d’exhibition, Paul Thubert fit descendre le pantalon de l’officier amputé de la jambe presque jusqu’à terre… Ce nouveau et définitif modèle en plâtre est présenté l’année même de sa création, en 1882, au Salon des Artistes Français, à Paris, sous le numéro 4874.
Les Invalides dans la cour de l'infirmerie -Hôtel des Invalides. Coll. Jaquet (gravures de périodiques et de journaux illustrés du 19ème isècle)
Paul Thubert, industriel aisé, ne sculptait que pour le plaisir, et malgré son grand talent, ne produisait que des pièces uniques, ou parfois en deux exemplaires lorsqu’un modèle lui plaisait particulièrement. Il en offrait ainsi un à sa fille Yvonne, et l’autre à son fils Louis. Il fit néanmoins exécuter en bronze notre groupe Deux Vieux de la Vieille, suite au succès remporté lors du salon de 1882, et l’offrit en dotation à la Loterie des Beaux-Arts de l’Exposition de Laval.
Or voilà que le moule fut dérobé, par des « marchands ambulants », Italiens affirme la famille, qui profitant de la saison estivale, commettaient de rentables larcins. C’est ainsi que quelques rares copies, dont très certainement notre exemplaire, ont été coulées en bronze puis revendues dans quelques maisons d’enchères, sous un faux titre et souvent une nationalité anglaise attribuée à son sculpteur…
La Galerie Les Trésors de Gamaliel est très heureuse de pouvoir, grâce à ses recherches, lui restituer son titre originel, raconter sa véritable histoire dans l’Histoire mais aussi de remettre sur le devant de la scène un artiste, Paul Thubert, dont le talent mérite de ne pas être oublié.
Le thème de cette sculpture nous ayant particulièrement touché, ayant nous-même un valeureux ancêtre, lieutenant au 3ème Régiment de Chasseurs d’Afrique, qui perdit un bras et l’autonomie d’une jambe en 1916, la Galerie versera 20% du montant du prix de cette œuvre à l’Association Terre Fraternité à destination des militaires blessés au combat, de leurs veuves et de leurs orphelins, dans un geste totalement désintéressé puisque cette association n’ayant pas souhaité demander la clause « d’intérêt général », elle ne pourra défiscaliser ce don....
La Galerie Les Trésors de Gamaliel remercie tout particulièrement, et très chaleureusement, Bénédicte, de la Fonderie d’Art de l’Ellé, et madame Nadine Naudot pour les renseigrenseignements biographiques sur Paul Thubert, nous permettant de sortir de l’oubli cet étonnant artiste, et de rectifier quelques contrevérités circulant sur ce magistral groupe, Les Vieux de la Vieille.© Copyright textes et photos : Les Trésors de Gamaliel
Hauteur | 73 cm |
Épaisseur | Profondeur : env. 42 cm |
Largeur | env. 40 cm |
Diamètre | terrasse : 39 cm |
Poids | 39 kg |
Signature | sur le devant de la terrasse |
Époque | circa 1918-1930 |
Matériau | Bronze à patine brune |