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Époque
circa 1950-1960
Provenance
France
Dimensions à vue
Hauteur : 27 cm
Longueur : 41 cm
Dimensions avec cadre
Hauteur : 40 cm
Longueur : 53 cm
Encadrement
Cadre moulures beige et vert vieilli
Signature
Signé en bas à droite, Etienne Laget
Matériau
Huile sur toile
GTGTLAGETGARDIANM
Peintre, aquarelliste, illustrateur, Étienne Laget est né en Arles en 1896.
Tout seul, comme le dit Claude Mazeau, "il apprend à voir, à sentir et à transcrire avec exactitude et fidélité tout ce qui l’entoure".
Il installe son atelier rue Saint-Estève à Arles, dans sa maison natale.
Dans les années 1925-1935, il collabore à de nombreux ouvrages régionaux, notamment ceux du félibre Joseph Bourrigny (1878-1929), tels "Arles et ses environs", "Le costume en Provence" ou "La Reino Sabo, rouman".
Dans les années 1950-1960, il crée des cartes postales aux couleurs de la Camargue ou représentant des Arlésiennes, ainsi que des affiches tout en peignant huiles et aquarelles dont le thème de prédilection est Arles et la Camargue. Ce qui ne l’empêche nullement d’être inspiré par la Savoie, l’Alsace ou encore le Nord.
Artiste éclectique, il collabore avec la faïencerie Henriot-Quimper. Créée en 1690, cette faïencerie, réputée pour son savoir-faire, aime à innover en demandant à plusieurs artistes peintres de participer à quelques-unes de ses collections. Étienne Laget a su s’adapter à ce matériau un peu particulier, et a ainsi décoré tant des lignes de vaisselle, que de vases ou autres objets décoratifs.
Arlésien dans l’âme, Étienne Laget est si attaché à sa cité et à la culture provençale qu'il participera de nombreuses fois (1954, 1958, 1970, 1974) à l’élection de la Reine d’Arles.
Il s’éteint en 1990 dans sa bonne ville d’Arles, qui l’avait tant inspirée.
Fièrement campé sur son robuste camargue à la robe gris si clair qu’elle en paraît blanche, le gardian surveille la manade qui broute paisiblement sur la sansouire.
Il pourrait être Jacques Roubaud. Ou Joseph d’Arbaud lui-même.
Manade, sansouire, vous demandez-vous ?
La manade est un troupeau d’une cinquantaine de biòu, ces puissants et ombrageux taureaux camarguais reconnaissables à leurs cornes en forme de lyre (ou alors de ces nerveux petits chevaux de race Camargue) laissés en liberté mais sous la surveillance d’un gardian. Les manades pâturent dans les vastes plaines salines balayées par le mistral, les sansouires.
Inondée l’hiver et refuge des canards sauvages, la sansouire est aride et envahie par les moustiques l’été.
Aride, vraiment ? Pas tant que cela en réalité. L’engano, (la salicorne) si verte en été, et qui se teinte de pourpre à l’automne, la salsola (ou soude commune), l’obione, la saladelle, symbole des gardians, qui fleurit de violine dès le mois d’août, couvrent la sansouire d’un manteau végétal qui fait le régal des manades.
Notre gardian porte le pantalon en peau de taupe, ici beige, mais qui peut être gris-bleu, marron voire noir. Sa chemise blanche aux manches retroussées sur laquelle est nouée un foulard rouge, est ici d’une sobriété exemplaire, car bien souvent, les chemises des gardians arborent des motifs provençaux et sont de couleurs vives. La tenue gardiane est complétée par le chapeau à larges bords beige ou noir que Lou Marquès, le marquis Folco de Baroncelli-Javon (1869-1943) a remis à l’honneur, tout au début du 20ème siècle, lorsqu’il fait renaitre de ses cendres la Nacioun Gardiano.
Mais que serait un gardian sans son trident, tout à la fois outil, arme et symbole ?
Notre gardian, bien calé dans sa selle camarguaise, tient négligemment son ficheiroun, son « fer » en provençal arlésien – ainsi appelle-t-il son trident ; dont le manche, aste, en bois de châtaignier, peut mesurer jusqu’à 2,50 mètres.
À quoi lui sert-il ? À se faire obéir des taureaux, à les dissuader de toute tentative intempestive de fuite ou d’attaque, et à les conduire…
Cette toile d’Étienne Laget nous transporte dans l’univers sauvage de la Camargue, et pour un peu, l’on sentirait presque le souffle parfois brutal du Mistral et l’odeur iodée de la Mer toute proche…
Camarguais de sang et de cœur, Étienne Laget a peint d’huile et d’aquarelle cette terre sauvage avec autant d’âme et de passion que le poète provençal Joseph d’Arbaud (1874-1950) lui, l’a conté avec les mots… notamment dans La bèstio dóu Vacarès (graphie mistralienne), La Bête du Vaccarès, qui parut pour la première fois en 1926 aux éditions Bernard Grasset avec une préface de Charles Maurras.
Eici au mitan di fangasso salancouso recoupado de sablas emai d’estang,
en escoutant brama ti bióu e quila ti grignoun sóuvage, d’acatoun, sus tou caud de la sansouiro,
oundeja lou vèu dóu mirage, deniue, dansa sus l’aigo de la mar la luno esbarluganto-e nuso,
ai couneigu proun tèms ço que, per iéu, se póu dire tou bonur.
Ici, à travers ces vases salées, coupées d’étangs et de plages sablonneuses,
en écoutant les beuglements des taureaux et le cri des étalons sauvages,
en regardant, tapi, le jour, à l’horizon, trembler les voiles du mirage sur la terre chaude,
en regardant, la nuit, danser sur les eaux de la mer la lune étincelante et nue,
j’ai connu quelque temps ce qui, pour moi, peut ressembler au bonheur.
Aux beaux jours de l’an de grâce 1417, alors qu’il chevauche la sansouire en surveillant sa manade, Jacques Roubaud rencontre une fantasque créature, dotée d’un corps de chèvre et du visage d’un vieil homme.
La bête est douée de parole.
Est-ce Pan ?
N’est-elle que le fruit de l’imagination débridée d’un gardian trop solitaire ?
Veiller au quotidien sur les manades est une véritable passion pour Jacques Roubaud, en osmose parfaite avec cette Camargue sauvage. Mais la solitude parfois peut-être terrible… Mais peu importe, l’aventure est là. Après une période d’intense frayeur, le gardian et la créature s’apprivoisent, se parlent, et nouent une amitié bienveillante… Demi-dieu déchu, et non pas diable comme son aspect peut le faire croire, la Bête a été réduite à errer pour le reste de sa vie, dans la solitude des marais.
Joseph d’Arbaud a mis tant de lui dans ce conte fantastique sur le vieillissement, la mort des grands mythes.
Il est Jacques Roubaud, il est cette Camargue. Né dans un petit village à quelques kilomètres d’Aix-en-Provence, Meyrargues, le 6 octobre 1874, Joseph d’Arbaud est élevé dans la tradition de la langue provençale et de ses coutumes.
Après de brillantes études de droit à la faculté d’Aix, et des débuts non moins brillants dans les salons littéraires, le voilà qu’il décide, en 1898, tout comme le marquis Folco de Baroncelli-Javon, de devenir manadier.
Deux ans aux Saintes-Maries de la Mer, lui ont permis d'acquérir la manade de l’Estournéu, sur la rive gauche du Rhône. Il mène la vie rude des gardians de taureaux : longues chevauchées dans les marais, surveillance infinie des tau (chevaux camarguais) ou des biòu (taureaux) alors qu’au creux de la sansouire vole ou glisse la sauvagine dans la sansouïre, débourrage des jeunes chevaux, ferrade des biòu, longues veillées au feu de camp…
Une vie d’action, une vie d’attente, une vie de solitude. Et les mots qui viennent et forment des poèmes. En pays d’Oc, la renommée du poète est immédiate. Hélas, en 1904, la tuberculose l’éloigne de sa Camargue, et le contraint à un exil sanitaire en Suisse. 1911 le ramène, guéri, en sa Provence natale où il vécut, principalement à Aix-en-Provence où il est mort, le 2 mars 1950.
© Copyright textes et photos : Les Trésors de Gamaliel