Fils d’un orfèvre originaire de Lyon mais installé à Paris, et d’une mère issue d’une famille de magistrats, le jeune Antoine-Louis est placé à 13 ans en apprentissage dans une maison d’orfèvrerie, bien qu’il n’ait que très peu fréquenté l’école et ne sache quasiment ni lire ni écrire. La Maison Fourrier gravait, pour les orfèvres, des matrices d’acier destinées à la fabrication de boutons et ornements d’uniformes destinés à la Grande Armée. Antoine Louis Barye s’initia ainsi à la fonte des métaux et aux secrets du travail du métal.
1812 : de l’Espagne à la Russie le canon tonnait. L’Empereur Napoléon avait besoin de toujours plus d’hommes. 160 000 jeunes rejoignaient les étendards. Louis-Antoine Barye n’échappa pas à l’appel, il incorpora la Brigade topographique du Génie, puis le Deuxième Bataillon des Sapeurs du Génie. Deux ans après, le 30 mars 1814, tout juste âgé de 18 ans, le jeune Antoine-Louis Barye était démobilisé. Il réintégra l’atelier Fourrier mais n’y retrouva aucun de ses 9 collègues qui avaient été appelés en même temps que lui. Et la vie continua…
En 1816, il était admis dans l’atelier de François-Joseph Bosio (1768-1845), le sculpteur officiel de Napoléon 1er, puis de Louis XVIII. L’enseignement très académique, de type néoclassique dispensé par le maître ne l’influençait guère mais assurait sa technique. Il compléta sa formation dans l’atelier du peintre Antoine-Jean Gros (1771-1835), chef de file de la nouvelle école romantique, dont Les Pestiférés de Jaffa faisait trembler d’émotion tous ceux qui le contemplait. La hardiesse, la fougue, la puissance de l’exécution du peintre imprégnèrent Antoine-Louis Barye et son camarade Eugène Delacroix qui exprimèrent désormais, chacun dans son genre, l’expression de la brutalité naturelle.
Antoine Louis Barye peint en 1885 (dix ans après sa mort) par Léon Bonnat
Sur la présentation de François-Joseph Bosio, Barye entrait à l’École des Beaux-Arts. Six années durant, il présenta au Grand Prix de Rome plusieurs œuvres, dans la section gravure en médaille, et la section sculpture, sans jamais obtenir ce Premier Prix, qui lui aurait valu un séjour à la Villa Médicis. En 1824, il jetait l’éponge. Marié et père de deux petites filles, il lui fallait faire bouillir la marmite. Aussi dut-il se résoudre à se consacrer à des activités plus lucratives. Il exerçait ses talents pour un orfèvre de très grand renom, protégé du duc d’Angoulême et de la duchesse de Berry, Jacques Henri Fauconnier. Il était chargé de réaliser des animaux de dimensions très réduites. Pour ce faire, il lui faillait étudier ces animaux. C’est ainsi qu’en été (plus tard en hiver), il se rendait dès 5 heures du matin à la Ménagerie du Jardin des Plantes. Le vieux père Rousseaux, le gardien des lieux, lui ouvrait les grilles. Il retrouvait là son ami Eugène Delacroix. Tous les deux observaient, croquaient, ébauchaient les différentes postures, attitudes, caractères physiques et plastiques des animaux exotiques, ou non, que l’on pouvait y admirer.
1832 est l’année de son indépendance : en février, la Maison Fauconnier avait fait faillite et Antoine-Louis Barye s’installait à son compte, 16 quai des Orfèvres, et créait ses propres modèles. La notoriété lui étant venue avec le Salon de 1831 (et plus précisément avec le Tigre dévorant un Gavial), les premières commandes arrivèrent. Le Salon de 1832 était annulé pour cause de choléra. L’année suivante, Louis Antoine Barye présentait plusieurs œuvres, dont le numéro 2458, sobrement intitulé : « Un lion » lui apporte la consécration de son talent. La critique, à la fois déroutée par le thème choisi, et séduite par la puissance romantique de l’œuvre ne tarit pas d’éloge.
Les éléphants de Barye
Le 2 décembre 1834, il perdait sa femme, âgée de 37 ans. Veuf avec une fillette à charge (l’aînée de ses deux filles, Clara, était morte du choléra en février 1832), il ne tardait pas à prendre une nouvelle compagne, Marie-Antoinette Houdart, de 18 ans sa cadette, qu’il n’épousa que quelques trente années et neuf enfants plus tard.
L’année 1837 marquait un tournant dans la carrière d’Antoine-Louis Barye. Les œuvres qu’il présenta au Salon, pourtant commandes du Duc d’Orléans, sont refusées. Blessé par ce refus, il ne participa plus aux Salons (hormis en 1843) jusqu’en 1850. Loin des bruits de Salons, il se lança dans la production et la commercialisation de ses œuvres. Il ouvrait une fonderie, et un magasin l’année suivante. Pourtant les difficultés financières s’accumulaient peu à peu le contraignant à s’associer avec un industriel spécialisé dans la fonte, Emile Martin. Les ennuis financiers du sculpteur n’en furent pas pour autant résorbés, et il dut gager ses modèles et même son propre outillage pour résorber sa dette au maximum. Il perdit le contrôle sur la production de ses bronzes, qu’il n’avait plus le droit de commercialiser lui-même.
Lion au serpent à la patte levée
Cette situation perdura jusqu’en 1857. La situation politique s’était alors enfin stabilisée, et les commandes d’Etat reprenaient dont Antoine-Louis Barye bénéficia. En octobre 1854, il avait été nommé professeur de dessin pour le département Zoologie du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris. Ce salaire fixe ajouté à ses commandes lui permit de reprendre sa liberté vis-à-vis d’Émile Martin et de fondre à nouveau seul ses bronzes. Leur édition en petits formats lui permit de toucher un public très nombreux.
Antoine-Louis Barye avait 70 ans, une belle renommée, quand il proposa sa candidature à l’Académie des Beaux-Arts. Mais il ne fut pas élu. Le choc fut dur pour l’égo du sculpteur. Néanmoins deux ans plus tard, il se représentait cette fois avec succès. Puis vinrent les évènements de 1870 qui l’exilèrent quelques mois à Cherbourg. Mais le 25 juin 1875, à 9 heures du soir, son cœur, malade depuis quelques années, cessa de battre.
Faisan
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