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Sculpteur
Claude Édouard Richefeu 1868-1945
Provenance
France
Époque
1915 pour le chef modèle
École
École française de sculpture
Dimensions
Hauteur : 23 cm
Profondeur : 14 cm
Largeur : 14 cm
Socle : 11 X 8,5 cm
Poids : 1900 gr.
Signature
Sur le côté de la terrasse : Ch. Richefeu
daté 1915
Cachet fondeur Susse plus inscription sur le rebord de la terrasse Susse Fres édté. Paris
Matériau
Bronze à patine brune reposant sur un socle de forme ovale. Composé de plusieurs pièces, le bronze est complet.
GTGBRICHEFEUDRAGON
Né à Paris le 7 janvier 1868, Charles Edouard fait ses classes dans l’atelier de l’Aveyronnais Denys Puech (1854—1942, Grand Prix de Rome en 1884, et directeur, de 1921 à 1933, de la Villa Médicis) ainsi que dans celui de Raoul Verlet (1857-1923, second Prix de Rome en 1887, il est professeur aux Beaux-Arts à partir de 1905, et est élu à l’Institut en 1910, en remplacement d’Emmanuel Frémiet, mort la même année).
Charles Richefeu a 22 ans, lorsqu'il expose pour la première fois au Salon des Artistes français à partir de 1900. Son thème de prédilection est la période napoléonienne. Il sculpte avec grand bonheur des portraits, des figures de soldats du Premier Empire, aux traits marqués et expressifs, ainsi des groupes militaires aux beaux accents de vérité, aux mouvements vivants, aux lignes à la fois nettes, vigoureuses et souples. Il réalise également des groupes pour les monuments aux morts dans les années 192-1930, et plusieurs de ses œuvres sont au catalogue des Fonderie du Val d’Osne, dans la Meuse. Le plus célèbre de ces groupes, La Victoire en Chantant, orne plus d’une vingtaine de monuments aux morts français, ainsi qu’un monument au Tonkin et un autre en Argentine.
Comme l’écrit le critique Raymond Sélig dans son article sur le Salon des Artistes Français paru dans la Revue du Vrai et du Beau (10 octobre 1924) :
« Son talent sincère d’une si frémissante sensibilité, crée des œuvres d’une émotion très communicative. (…). Serviteur passionné de son art, technicien consommé, artiste sensible, original et vrai, Charles Richefeu est un de nos sculpteurs les plus remarquables et les plus intéressants. »
Sous la Troisième République, et jusqu’en 1914, les régiments de Dragons de l’armée françaises n’ont guère l’occasion de s’illustrer, comme ils avaient pu le faire du Directoire jusqu’à la chute du Second Empire à Sedan, en 1870.
Pendant le premier conflit mondial, ils doivent s’adapter aux nouvelles conditions d’une guerre qui ne ressemblait pas aux précédentes. L’utilisation généralisée de la mitraillette (arme pouvant tirer rapidement plusieurs fois sans recharger), et confère une puissance de feu inédite à l’infanterie et à l’artillerie contre laquelle la cavalerie est impuissante. Les tranchées et leurs barbelés ne sont pas non plus, loin s’en faut, favorables aux troupes montées. Et que faire face à des chars, même si le cavalier est cuirassé ?
Le temps de la cavalerie est passé, et les régiments montés le comprennent dès les premiers jours de la guerre. Le temps des charges héroïques est passé. Dernier baroud d’honneur, l’extraordinaire charge de l’escadron du lieutenant Gaston de Gironde sera la dernière ... Un monde s’est éteint…
Nuit du 9 au 10 septembre 1914, quelque part entre Pouy et Vivières, dans l’Aisne
La nuit tombe. Le 2ème escadron du 16ème Dragons se prépare au bivouac sur le plateau de Mortefontaine, entre les murs fortifiés de la ferme de Vaubéron.
Le 16ème Dragons avait quitté le quartier Louvois, à Reims pour la région de Sedan le 31 juillet. Marches, contre-marches, affrontements meurtriers se succèdent avant qu'il ne reçoive l'ordre de marcher sur Mauberge pour de retarder l’ennemi, avant de faire mouvement vers Paris. Les combats de harcèlement sont d’une intensité rare.
Le 9 septembre, le lieutenant Gaston de Gironde (il a 35 ans) qui commande au 2ème escadron, est envoyé en reconnaissance vers Soissons. En fin d’après-midi, l’escadron est attaqué par des Uhlans allemands. L'affrontement est rude. Hommes et bêtes sont exténués quand ils atteignent le plateau de Mortefontaine où ils découvrent une ferme fortifiée. La nuit tombe, le lieutenant ordonne le bivouac. Mais le repos et le calme ne seront pas pour tout de suite. Un valet d’écurie vient de signaler au liteutenant qu’une escadrille d’aviation allemande de huit biplaces de reconnaissance de type Aviatik, est parqué à 800 mètres de là.
Impossible de ne rien faire ! Bien que ne pouvant se référer à son État-Major dont il est totalement coupé, et bien qu’il fasse nuit, le lieutenant décide d’attaquer. Il élabore, avec ses quatre officiers, un plan d’action : les pelotons des sous-lieutenant Henry de Kerillis et Paul de Villelume, à pied, sont chargés d’abattre les sentinelles allemandes à l’arme blanche, puis de tirer trois salves sur les avions allemands. À la troisième salve, le lieutenant de Gironde chargera à cheval avec son peloton et le peloton d’Auguste Gaudin de Villaine s’occupera des éventuels fuyards. Le peloton du sous-lieutenant Rollin restera de réserve montée. En temps normal, un peloton est composé de 20 à 30 hommes. Mais l’escadron a subi déjà pas mal de perte, depuis le 31 juillet qu’il est en opérations, et il copte bien moins que 80 soldats.
L’attaque est lancée. Les rafales crépitent. Un véhicule s’embrase. Les flammes illuminent tout le camp. Troisième salve. Les Dragons à pieds s’allongent dans la luzerne. Jaillissant du cœur de la nuit, crinières au vent, les deux pelotons de Dragons sont lancés dans un galop infernal. Les Allemands sont tétanisés un instant. La cavalcade atteint les avions. Les Allemands réagissent. Le crépitement métallique d’une rafale de mitrailleuse éclate. Chevaux et cavaliers sont littéralement fauchés en pleine course. Le Lieutenant de Gironde tombe, mortellement blessé. Le combat se poursuit dans un corps à corps sanglant et féroce. Mais les renforts allemands arrive. Les Dragons n’ont plus de munitions, ils décrochent. Treize morts (dont le lieutenant de Gironde, le sous-lieutenant Gaudin de Villaune, les brigadiers Créty et Porte, et 9 Dragons) plus leurs chevaux de deux pelotons. 27 survivants dont 8 blessés.
Vous entendrez peut-être dire aujourd’hui que les avions allemands n’ont été qu’égratignés par cette charge d’un héroïsme insensé.
Non, pas une charge insensée.
Juste un baroud d’honneur de ces Dragons du 16ème, qui n’est pas sans rappeler celui du général Margueritte*, pour qui l’honneur et la liberté de la Patrie valait plus que leur propre vie…
Honneur aux héros.
Mais notre Dragon, bien que sculpté en 1915, ne raconte pas cette histoire. Mais qui peut affirmer que Charles Richefeu n'y songea point ?
Coiffé du casque modèle 1874 à crinière (qui est d’ailleurs toujours porté en 1914), celui-ci est composé d’une bombe, d’une visière, d’un couvre-nuque, de deux jugulaires composées de 15 écailles en cuivre découpées en festons, d’un bandeau en cuivre frappé d’une grenade enflammée entourée de feuilles de lauriers (détail que l’on peut observer sur le casque de notre sculpture), d’un cimier en cuivre composé de deux ailerons ornés de palmettes et d’un porte porte-plumet en cuivre fixé obliquement en avant de la jugulaire gauche. Notre Dragon, ici en manœuvre, ne porte pas le plumet, de couleur rouge pour le corps de Dragons. Il porte tout son barda, et au côté, à moitié cachée par sa selle, la giberne qui sera supprimée de l'équipement du Dragon en 1880.
Sans doute Charles Richefeu a-t-il voulu sculpter un Dragon en général. Il ne souligne aucun grade ni aucun régiment. Notre Dragon porte la veste de drap (bleu marine pour la troupe, noire pour les officiers) modèle 1872, dont le col est habituellement marqué du numéro de régiment sur une patte de collet rouge garance pour la troupe et sur galon argent pour les officier. Le culotte, rouge garance, est la même que celle des cuirassiers, et porte une bande noire sur les côtés. Notre Dragon porte le sabre modèle 1854, en vigueur chez les Dragons depuis 1869. Il est également équipé du fusil de cavalerie Chassepot.
Ce Dragon de Charles Richefeu est une œuvre rarissime dans la mesure où il n’en existe que très peu d’éditions, et pour laquelle on retrouve la ciselure très soignée, et le sens du détail du sculpteur.
* 31 août 1871, non loin de Floing (Ardennes), au lieu-dit « Triple Levrettes », 11 heures du matin
Les troupes françaises sont encerclées et pilonnées par l’artillerie prussienne.
À la tête des 1er et 3ème Chasseurs d’Afrique le général Jean-Auguste Margueritte lance une première charge sur l'infanterie qui couvre les batteries prussiennes. Le carnage est effroyable, mais l'objectif n'est pas atteint. Le général lance une deuxième charge. Il est deux heures lorsqu’une balle le terrasse. Les deux joues percées, la langue arrachée, le palais brisé, le général est sonné, mais il fait signe à son ordonnance et son aide de camp de le relever. Malgré la pluie de plomb qui fait rage, il se remet en selle. Sous cette tempête meurtrière, tous ses hommes le saluent de vivats sonores en abaissant leurs sabres. Le visage déchiqueté, le général Margueritte se dresse sur ses étriers, et lance la troisième charge.
À 15 heures, tout est fini. Les pertes françaises sont effroyables. 25 officiers ont été tués et 29 blessés (sur 138), 783 hommes sont blessés, disparus ou tués (sur 1650).
Six jours plus tard (le 6 septembre), le générale Jean-Auguste Margueritte expire au château de Beauraing (Belgique), où il avait été évacué. Il avait 47 ans.
© Copyright textes et photos : Les Trésors de Gamaliel